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Pacte d’associés – bonnes et mauvaises pratiques

Pacte d’associés – bonnes et mauvaises pratiques

Préambule

Les entrepreneurs qui sollicitent du financement en capital auprès d'investisseurs semi-professionnels (business angels) ou professionnels (fonds d'investissement) sont confrontés à la question du pacte d'associés (shareholders' agreement).

Habituellement rédigé par un avocat spécialiste du droit des affaires, bon connaisseur de la finance et soucieux de défendre les intérêts de son client, ce document est excessivement complexe à appréhender par un non-initié, et peut receler des pièges qu'il convient de détecter très tôt et d'éliminer, faute de quoi l'entrepreneur pourrait se voir dépossédé d'une partie importante de la création de valeur qu'il pourrait réaliser à la sueur de son front et de celle de son équipe.

  1. Objectif du pacte d'associés
  2. Les clauses à refuser
  3. L'approche Flore : maintenir le pouvoir et la création de valeur entre les mains de l'entrepreneur
  4. Le pacte d'associés Flore

1) Objectif du pactes d'associés

Le pacte d'associés est l'équivalent du contrat de mariage, appliqué à la sphère de l'entreprise : il rappelle les raisons qui ont conduit l'entrepreneur et les nouveaux actionnaires non opérationnels (investisseurs) à se rapprocher et cherche à définir comment les choses doivent se passer au gré des évènements à venir, heureux ou malheureux.

Il s'agit donc d'un contrat, qui engage fermement les parties, rédigé comme autant de conséquences en fonction d'hypothèses (ou conditions/actions).

Premières dispositions qui viennent à l'esprit : la réalisation et le partage des plus values, qui est l'objectif premier de l'investisseur. Pour lui, il est hors de question de laisser les fonds investis végéter. Et hors de question de laisser les dirigeants quitter l'entreprise à la tête d'un pactole, en laissant les investisseurs en plan. Et à partir de là, de nombreux scénarios sont cartographiés et traités dans le pacte.

Mais ce n'est pas que cela. Certains investisseurs ne voient pas d'un bon oeil que l'entrepreneur garde une pleine et totale liberté, et puisse dilapider leur argent. Le pacte vise donc aussi à ajuster l'exercice du pouvoir dans l'entreprise et ses règles de fonctionnement, et à faire en sorte que le futur ne soit pas uniquement subi par l'investisseur, mais qu'il puisse influer sur le cours des choses.

Compte tenu de l'incertitude sur ce futur, le pacte d'associés s'avère être un document long et complexe, puisqu'il doit prendre en compte une grande variété de situations, dont au final très peu se produiront. Mais il suffit d'une ....

La question immédiate qui se pose est la cohabitation avec les statuts de l'entreprise. Ce sont en effet habituellement les statuts qui régissent la vie sociale de l'entreprise, et qui fixent les règles de fonctionnement impliquant les actionnaires. Les nouveaux investisseurs et leurs avocats vous diront rapidement que les statuts, c'est de l'histoire ancienne, que c'est le pacte d'associés qui va définir les règles principales, et qu'il suffira de modifier les statuts en conséquence. L'entrepreneur, de son côté, essaiera de maintenir l'essence des statuts qu'il a bichonnés et négociés avec les cofondateurs, au moment où il s'agissait d'y injecter leur vision commune du fonctionnement de l'entreprise.

Un point à clarifier : certaines règles occultes pourraient se trouver ailleurs, dans des side-letters privées conclues entre deux ou plusieurs actionnaires, comme par exemple des dispositions qui obligent ces actionnaires à voter de la même manière les résolutions. Les statuts de l'entreprise  sont en effet publics (disponibles sur infogreffe ou les sites spécialisés), et les pacte d'associés signés par tous les actionnaires, ce qui peut être vu d'un mauvais oeil par ceux qui souhaitent maintenir certaines choses cachées. C'est un point qu'il est important de clarifier avec les investisseurs, qui vous demanderont parfois d'interdire dans le pacte d'associés l'existence de side-letters.

2) Les clauses à refuser

La règle d'or, tout d'abord : l'entrepreneur ne doit jamais signer un pacte contenant des clauses qu'il ne comprend pas. Si c'est flou, c'est qu'il y a un loup. Et si on vous répond "c'est la pratique de marché" (market practice, parce que ça a plus de poids quand c'est dit en anglais), c'est qu'il faut vous méfier doublement...

Voici le TOP 6 des clauses que nous vous conseillons de refuser systématiquement, et qui ne figurent jamais dans les pactes d'associés proposés par Flore Group aux entrepreneurs qui rejoignent la Flore Factory.

  • Liquidation préférentielle (liquid pref) : les derniers arrivés seront les premiers servis.

Ce sont les nouveaux investisseurs qui commencent par se servir lors de la revente, et s'il y en a assez, les autres (par ordre inverse d'arrivée) se servent. Les premiers (les fondateurs) n'auront peut-être rien à la fin...

  • Rélution (Ratchet) : fromage et dessert pour les investisseurs

Si la valeur de l'entreprise baisse lors des levées de fonds suivantes, l'investisseur qui bénéficie de la clause de ratchet obtient des actions gratuites, pour compenser la baisse. Pas si gratuites que cela, car cela revient à en déposséder les fondateurs, sans contrepartie... C'est la clause "qui perd gagne" par essence pour l'investisseur. A fuir comme la peste.

  • Bonus/malus (good/bad leaver) : des entrepreneurs déguisés en salariés à prime variable

La clause de good/bad leaver vise à pénaliser les entrepreneurs qui n'obtiennent pas les résultats escomptés, ou qui sont amenés à quitter l'entreprise s'ils s'avèrent défaillants. Cela revient à transformer les entrepreneurs en managers, auxquels les investisseurs (les vrais patrons de l'entreprise ...) définissent des objectifs qui donnent lieu à un bonus/malus, selon qu'ils soient atteints ou pas. C'est mal connaitre le moteur qui guide la plupart des entrepreneurs.

  • Comité de gouvernance : placement sous bracelet électronique des dirigeants

Pour éviter que l'entrepreneur frivole ne fasse n'importe quoi avec l'argent des gentils investisseurs, un comité de gouvernance est constitué pour valider les décisions importantes à prendre au sein de l'entreprise.

Mais qu'est-ce qu'une décision importante ? Une liste détaillée est fournie en annexe du pacte. A négocier, mais il n'est pas rare que l'embauche de nouvelles recrues de haut niveau (à haut salaire) ou la signature de contrats (achat ou vente) importants nécessite un accord formel du comité de gouvernance. Vous pensiez diriger une entreprise ? En réalité vous dirigez une business unit, qui soumet à visa des investisseurs-patrons les décisions qui comptent vraiment.

  • Liquidité : un CDD pour l'entrepreneur

Rappelons-nous que l'investisseur est généralement là pour une durée courte, le temps que l'entreprise gagne de la valeur et que sa participation puisse être revendue (si possible avec une plus-value). La clause de liquidité organise la sortie du cycle de prise de valeur. Elle définit une période (généralement 5 à 7 ans) au cours de laquelle l'entrepreneur doit organiser un évènement de sortie (cession à un industriel, nouvelle levée de fonds, mise en bourse). Si, à cet horizon, l'entrepreneur n'a pas rempli cet objectif, l'investisseur peut lui forcer la main, soit en rachetant lui-même toutes les parts, soit en l'obligeant à vendre l'entreprise à un repreneur.

L'entrepreneur qui accepte une clause de liquidité tire donc généralement un trait sur la possibilité de développer son entreprise lui-même, au delà de la période de 5-7 ans de prise de valeur. Certes il sera possible de négocier cet horizon et l'avenir des fondateurs qui souhaitent rester à bord, mais ce qui est écrit dans le contrat prévaut sur tout ce qui pourra être discuté, dans le cas où les parties ne se mettent pas d'accord...

  • Déclarations et garanties : pas de cadavres dans les placards

Les déclarations de garantie d'actif et de passif relèvent généralement du champ de la cession d'entreprise. Le repreneur d'une entreprise veut s'assurer que le vendeur ne laisse pas de cadavres dans le placard, et que le ciel ne va pas lui tomber sur la tête du fait d'agissements de son prédécesseur sans qu'il n'en ait été informé (redressement fiscal ou social, procès, etc.). Il veut aussi s'assurer que les promesses de valeur (immeubles, fonds de commerce, matériel, brevets, créances, stock, contrats signés) sont saines et conformes à la réalité. Cela peut se comprendre car il prend la direction opérationnelle de l'entreprise qu'il rachète.

Quelle surprise, donc, de retrouver de telles clauses dans certains pactes d'associés proposés par les investisseurs, alors qu'ils n'entrent qu'à titre minoritaire au capital de l'entreprise, sans fonction exécutive.

3) Approche Flore : maintenir le pouvoir et la création de valeur entre les mains de l'entrepreneur

Au sein de Flore, nous faisons confiance aux entrepreneurs. C'est d'autant plus facile que nous sommes nous-mêmes des entrepreneurs. Nous nous méfions de tout ce qui peut entraver la liberté d'entreprendre, de tout ce qui réduit l'autonomie des dirigeants, de ce qui entrave l'intelligence collective, et au final de ce qui dépossède ceux qui créent de la valeur au bénéfice de ceux qui fournissent simplement du carburant financier.

C'est la raison pour laquelle les pactes d'associés que nous proposons garantissent que l'entrepreneur reste maitre à bord, qu'il dispose du temps nécessaire pour développer son entreprise, et qu'il puisse décider du sort de cette entreprise.

Au-delà du pacte d'associés que nous proposons, nous cherchons également à défendre les intérêts de l'entrepreneur dans les rounds de financement suivants, en conservant l'esprit du pacte d'associés déjà en place. Pour l'entrepreneur, il est intéressant d'intégrer Flore à son board et de bénéficier de l'expérience et du réseau de ses associés, qui se mobilisent personnellement dans les négociations.

Evidemment, ce type de pactes n'est pas à mettre entre toutes les mains. Il faut être certain de l'ambition de l'entrepreneur, de sa capacité de persévérance, de son goût pour le mérite et l'effort, et avant tout des valeurs de management qu'il va développer au sein de son entreprise. Il faut également bien comprendre le choix de vie professionnelle qu'il fait.

C'est la raison pour laquelle notre processus de sélection se fiche pas mal des projections financières, et que nous nous attachons avant tout à cerner la personnalité des fondateurs, à comprendre les moteurs de leur engagement professionnel et personnel, et à évaluer l'intérêt stratégique du projet.

C'est aussi la raison pour laquelle notre processus de sélection impose un plein alignement avec le Manifeste Flore et les 12 règles de management et de gouvernance partagées par notre communauté professionnelle, ce qui agit comme un puissant filtre.

4) Le pacte d'associés Flore

Pour terminer cet article, place aux clauses proposées par Flore dans son pacte d'associés.

Et parce que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et que les mots pour le dire viennent aisément : la présentation du pacte d'associés et la discussion qui en découle a vocation à se tenir entre les associés-entrepreneurs de Flore et les fondateurs de l'entreprise qui postule à Factory. La participation d'avocats est à l'initiative des fondateurs, s'ils l'estiment nécessaires. Mais sauf cas particuliers (holding, associés avec des situations personnelles complexes), elle n'est généralement pas utile.

Voici le plan du pacte Flore :

  1. Définitions
  2. Administration de la Société
    • Rappel de la gouvernance fixée dans les statuts
    • Soumission à visa des associés des seules décisions ayant un impact sur le capital de l'entreprise
    • Création d'un conseil d'orientation stratégique, à avis purement consultatif
  3. Inaliénabilité et transferts libres de titres
    • Définition d'une durée de neutralisation des cessions de titres
    • Autorisation pour les fondateurs de transférer librement une partie de leurs titres
  4. Droit de préférence réciproque
    • Les actionnaires disposent d'un droit de préférence en cas de création de nouveaux titres
  5. Droit de retrait de Flore
    • Définition des conditions de retrait de Flore Group du capital (relatives au départ de l'entreprise de la communauté Flore)
  6. Droit de sortie conjoint (tag along)
    • Permet aux actionnaires de vendre leurs participations quand les fondateurs cèdent la leur
  7. Engagement de céder (drag along)
    • Permet aux fondateurs d'obliger les actionnaires à céder leur participation si un repreneur émet une offre convenable pour 100% du capital de l'entreprise
  8. Anti-dilution – Droit de priorité – Pari passu
    • Possibilité pour les actionnaires de participer aux nouveaux tours de financement
    • Possibilité pour les actionnaires de bénéficier des avantages éventuels des futurs investisseurs
    • Politique de distribution équilibrée (remboursement des dettes, dividendes, actionnariat salarié, réinvestissement) - voir règle Flore n°12
  9. Non-concurrence, exclusivité, non sollicitation, protection de la propriété intellectuelle
  10. Dispositions juridiques diverses (transmission des engagements, etc.)

Au total : 30 pages, dont 10 pages d'introduction, rappel du qui est qui, définitions, et dispositions juridiques standard.